Huitième semaine


Jour 51

Je n’écris plus depuis de longues années. Mais Leslie m’ayant parlé du sien, suite à ce qu’il s’est produit, j’ai eu comme l’envie de consigner à sa place les évènements. Et le besoin d’écrire, de raconter ce qu’il s’est passé.

 

 

Je savais que quelque chose n’allait pas. J’aurai dû être plus attentif.

 

Ça faisait quelques jours qu’elle était somnolente et qu’elle avait dans le regard comme une sorte de défiance. Certains jours, je la pensais en colère. Je lui trouvais cet air terrible de celui que l’on vient de trahir, empli d’amertume et réclamant réparation ou vengeance. Et puis soudain, cela disparaissait, pour laisser place à un regard vide et mal ajusté.

 

D’ordinaire, quand il lui arrive de ne pas paraître à la fenêtre, je me dis simplement qu’elle est occupée, que le bruit l’agresse ou qu’elle est en train d’écrire.

 

Mais, un soir, après qu’elle ai commencé à prendre ses foutus cachetons, je me suis inquiété. J’ai sonné en bas de chez elle, je l’ai appelée, sans réponse. Finalement, un voisin m’a ouvert et je suis monté frapper à sa porte. Je n’avais toujours pas de réponse, j’ai paniqué.

 

Ce sont les pompiers qui ont réussi à entrer les premiers, en faisant sauter les serrures.

 

Elle était recroquevillée sur elle-même, en boule dans un tas de couvertures, dans une sorte de drôle de cabane. Elle avait dans les bras une peluche, un hibou aux grands yeux. 

 

L’appartement était immobile, on aurait dit que le silence l’enveloppait, comme un petit corps fragile. Elle avait vomi, sa peau était blanche. Ils l’ont emmenée tout de suite, l’on allongée sur la civière et ses bras sans énergie ont laissé tomber la peluche.

 

Après quelques recherches, j’ai trouvé son téléphone et j’ai appelé sa mère. Sa voix s’est étranglée jusqu’à se muer en un sanglot continu et je crois qu’après 62 ans sur cette planète, je viens de vivre mon pire appel téléphonique. Elle ne savait rien des cauchemars de sa fille, ni des pilules. J’ai trouvé dans l’historique le numéro du psychiatre, l’ai dicté à sa mère.

 

Dans sa messagerie, une fille surtout, attend des nouvelles, s’excuse et s’inquiète. Je n’ai pas eu le cœur de lui téléphoner, je lui ai écrit seulement, que Leslie est à l’hôpital, qu’elle va bien mais qu’elle ne peut pas répondre et que je la tiendrai informée avec ce numéro. Elle a appelé. Elle voulait tout savoir et j’ai tout raconté.

 

 

Jour 52

Bien sûr, je n’ai pas pu aller la voir. A l’hôpital, ils ont dit qu’elle n’était pas encore hors de danger mais qu’elle avait de bonnes chances de s’en sortir parce qu’elle avait vomi, que ça nettoyait l’estomac.

 

Les serrures de son appartement maintenant détruites, je suis allé acheter un cadenas et ai fixé un loquet dès que j’ai pu. J’ai récupéré son ordinateur et la peluche souillée que j’ai lavée et suspendue par les pieds par-dessus la fenêtre.

 

Les heures ne passaient pas.

 

Jour 56

 

Cette nuit, j’ai fait un cauchemar, et je l’ai sentie. La présence.

 

Au début je n’ai pas compris. Jusqu’à ce bruit mat et mouillé du hibou tombant sur le sol.